À bâton rompu avec Jeune Afrique : Talon évoque Madougou, Aïvo et Boko
Entretien

À moins d'un an de la fin de son second mandat à la tête du Bénin, le président Patrice Talon a choisi de se livrer à un entretien exclusif avec Jeune Afrique, abordant des dossiers sensibles qui marquent la vie politique du pays. Au cœur de cet échange, la situation de plusieurs figures politiques actuellement détenues a fait l’objet de nombreuses questions. La question de savoir si ces personnalités bénéficieront d'une grâce ou d'une amnistie avant la fin de son mandat a ainsi été soulevée.
Fermement attaché à ses principes républicains, le président Talon a répondu sans ambages en rejetant l'idée selon laquelle ces détenus seraient des "prisonniers politiques". Il a précisé que les individus concernés sont avant tout des "acteurs politiques condamnés" et non des victimes d'une répression politique. À propos de Reckya Madougou et Joël Aïvo, il a souligné : « Nulle part dans le monde, faire de la politique ne confère une quelconque immunité pour couvrir des actes délictueux ».
Interrogé sur la possibilité d’une grâce avant son départ, le président a répondu catégoriquement : « Non ». Il a ajouté : « Si je le faisais, cela reviendrait à confirmer que les actes commis sous le couvert de la politique sont plus pardonnables que les autres, ce qui serait injuste. Si le prochain président estime que la politique est un critère pour accorder des grâces, il en a la liberté ».
Le cas Olivier Boko : un mélange de regret et de désolation
Le président Talon a également abordé le dossier d'Olivier Boko, ancien collaborateur de longue date, accusé d’atteinte à la sûreté de l'État. S’exprimant avec émotion, il a confié : « Olivier était un frère, un compagnon de fortune et d’infortune avec qui j’ai vécu l’exil, la conquête puis l’exercice du pouvoir. Je lui ai fait confiance, au point de lui déléguer de nombreuses prérogatives, me permettant ainsi de me concentrer sur les dossiers techniques, parfois dans leurs moindres détails. Il rencontrait pour moi des acteurs politiques et sociaux, des représentants de la société civile, des dignitaires religieux, et répondait à mes sollicitations. Il était, du moins l’ai-je cru jusqu’au bout, mes yeux et mes oreilles, car dans un pays comme le Bénin, le président ne peut être partout à la fois ».
Il a poursuivi en expliquant la profondeur de cette confiance : « J’avais une confiance totale en lui, au point de lui confier le contrôle des services de renseignement et de ma propre sécurité. Le colonel Tévoédjrè, chef de la Garde républicaine, l’a dit pendant le procès : Olivier Boko était le seul, en dehors du président, à pouvoir lui donner des instructions ».
Le président Talon a exprimé sa déception face à ce retournement de situation : « Je ne sais pas ce qui lui a pris. Pourtant, il était convenu entre nous que, tout comme je refusais de m’éterniser au pouvoir pour le bien du pays et de la démocratie, il était impensable que mon successeur soit issu de ma famille ou de mon clan. Et si quelqu’un pouvait être considéré comme faisant partie de mon clan, c’était bien lui. Jamais je n’ai pensé sérieusement qu’Olivier Boko convoitait la fonction que j’occupe. J’ai ma part de responsabilité, bien sûr ».
Ainsi, à quelques mois de la fin de son mandat, Patrice Talon se montre à la fois ferme sur ses convictions et ses déceptions face aux événements qui ont marqué son mandat.
A. D.
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