Philippe HADO : Plus qu’une grande plume… un passeur de consciences

Hommages de Euloge Zohoungbogbo et Sylvanus Ayimavo à un maître, un patron, un ami


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Une icône de la presse béninoise s’est éteinte. Ancien responsable du quotidien Nouvelle Expression, Philippe Hado a posé définitivement la plume, laissant derrière lui un vide immense dans le paysage médiatique béninois. Deux de ses proches collaborateurs et compagnons de route, Euloge Zohoungbogbo et Sylvanus Ayimavo, lui rendent un hommage vibrant. Ils saluent la mémoire d’un homme resté humble, accessible et fidèle à lui-même tout au long de sa vie.

À lire : leurs messages

Hommage d’Euloge ZOHOUNGBOGBO à son maître, son patron, son ami

Philippe Hado, le passeur des consciences

Il arrive parfois que le destin se glisse dans le silence d’un regard, dans l’écho d’une voix posée, dans la justesse d’un mot échangé entre deux générations. Ma rencontre avec Philippe Hado, je la porte en moi comme on conserve une source au cœur du désert.
C’était dans les salles de cours de l’ESAE, au détour d’un cours technique sur le Secrétariat de Rédaction. L’auditoire était attentif, mais lui, Philippe Hado, observait bien au-delà des visages : il sondait les esprits. Il m’écoutait, surtout. Je parlais, disait-on, alors un français à la Simon Templar, avec une passion presque déconcertante pour la précision, la cadence, l’élégance des phrases. Cela le fit sourire.
Il me repéra. Il me distingua. Puis il m’invita.
J’étais déjà en collaboration avec L’Autre Quotidien, mais il me fit une place dans sa propre maison, Nouvelle Expression, avec une claire mission : lui insuffler plus de vie, plus d’audace, plus d’âme. Il me proposa, contre toute attente, d’intégrer la rédaction de Nouvelle Expression, non comme stagiaire ou pigiste, mais en m’en confiant les "rênes éditoriales". Ce fut un geste audacieux, presque déconcertant. Mais c’était là toute la marque Hado : la foi en la jeunesse, la capacité à détecter la graine, et à la confier au champ, sans la brusquer, sans l’inonder d’eau ni de verbe. Il m’appela sans détour : « le Big man », comme il aimait me nommer affectueusement comme on désigne une évidence, une complicité, une relève.
Dans cette rédaction, il me laissa respirer, mais jamais m’endormir. Il savait porter sans étouffer. Il avait cette rare autorité tranquille, forgée dans le respect du métier et la foi dans l’humain. Philippe Hado ne dirigeait pas : il élevait. Il m’ouvrit ses réseaux, ses amitiés, ses repères. Par lui, je fus introduit auprès des grands noms de sa génération. Par lui, je compris que le journalisme est un héritage, un flambeau qui se passe d’homme digne à homme debout.
Lorsque vint le projet de l’ouvrage "Notre ami Kérékou", il n’hésita pas une seule seconde. Il me proposa au défunt Amadou Ousmane, me confiant la collecte et le traitement d’une mémoire précieuse, avec la même confiance naturelle qu’on accorde à un fils. Il ne cherchait ni gloire ni reconnaissance. Il croyait, et cela suffisait.
Notre dernière rencontre fut à l’église, lors d’une veillée de prière en hommage à un autre de mes maîtres, Romain Toï. Philippe, fidèle à lui-même, s’avança avec délicatesse depuis un rang plus loin. Il ne venait pas s’imposer, mais rendre ses civilités. J’étais accompagné de Sylvanus Ayimavo, mon frère siamois. Nous avons parlé longuement, à voix basse, comme le font ceux qui savent que le temps est un luxe.
Aujourd’hui, c’est lui que nous veillons.
Et le silence est lourd, mais digne. Car Philippe Hado n’était pas seulement un journaliste : il était un homme de hauteur, un homme d’élan, un homme de profondeur. Apolitique par prudence, mais résolument progressiste par conviction. Il aimait la paix, le travail bien fait, l’humilité, les hommes, les animaux. Il aimait la langue, l’intelligence, la beauté du geste bien fait. Il n’était pas pressé d’être vu, mais il était inoubliable une fois perçu.
Il m’a laissé plus qu’un souvenir : il m’a légué une manière d’être au monde.
Et cette manière, je la porterai, comme on porte un nom, un flambeau, une dette d’honneur.

Euloge ZOHOUNGBOGBO


Philippe Hado, Une grande plume de la presse béninoise s’est éteinte

Ce n’est pas dans mes habitudes de rendre hommage à titre posthume. Mais l’homme qu’était le doyen Philippe Hado mérite que je déroge à cette règle.

J’ai croisé son chemin pour la première fois en 2014, à l’occasion des élections des professionnels des médias à la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC). Je ne le connaissais alors que de nom, sa réputation l’avait précédé. Il était le Directeur de campagne de Marie-Richard Magnidet, promoteur du journal La Presse du Jour et candidat au poste de conseiller à la HAAC, cinquième mandature. Nous étions dans la même équipe, et ensemble, nous avons sillonné le pays pour défendre cette candidature. Quelques jours plus tard, le destin m’a permis de le retrouver à l’École Supérieure d’Administration et d’Économie (ESAE), cette fois en tant que formateur.

Ce fut le début d’une relation presque filiale. À l’époque, j’étais Directeur de Publication du journal Sagesse Info, un poste que j’ai fini par quitter pour des raisons personnelles. Cette transition a ouvert la voie à une nouvelle aventure professionnelle à Nouvelle Expression, rendue possible grâce à la proximité que j’entretenais avec le doyen Hado.

Avec lui, chaque instant de travail devenait un moment de plaisir. Sa confiance en moi était déconcertante, presque déroutante. Nos relations allaient bien au-delà du cadre professionnel : il était pour moi un mentor, un maître, un guide, un homme d’une grande humanité et d’une intégrité rare.

Comment trouver les mots justes pour lui dire un dernier adieu ? Le doyen Philippe Hado incarnait la passion du métier. Toujours disponible, il tendait la main aussi bien aux anciens qu’aux jeunes professionnels, en particulier ceux qui avaient soif d’apprendre.

Son départ laisse un vide immense dans ma vie. Mais il m’a légué un héritage précieux : la sagesse, le sens du partage, la bienveillance, et l’amour du métier. Ces valeurs resteront à jamais gravées dans mon cœur.

Sylvanus AYIMAVO

Journaliste et Conseiller à l'Observatoire de la Déontologie et de l'Éthique dans les médias (ODEM)